La plus belle des façons de vous imprégner de la Billebaude est de lire le texte plein de poésie de mon ami Olivier Grieb.

 » Une des meilleures façons de s’entraîner à la précision dans le tir à l’arc est de pratiquer la Billebaude.

« Ce terme signifie : Se promener dans la nature avec son arc sur un parcours non-déterminé et de tirer sur des cibles naturelles qui se présentent à soi. Cela pourrait être une belle touffe verte au milieu d’une prairie, un tronc pourri, l’ombre projetée d’une branche au sol, ou le pied d’un sapin situé de l’autre côté d’un vallon à longue distance, le nombre de buts est quasiment infini et toutes les distances sont à tester (de 1 à 200m).

Cette pratique à mon goût est la meilleure, pour plusieurs raisons :

La première est que c’est la façon la plus naturelle d’évoluer avec son arc, en cela j’éprouve une totale liberté de mouvement, je me fonds amoureusement dans cette grande forêt, silencieux, attentif, scrutant le moindre mouvement et tendant l’oreille au moindre son inconnu. Tous les sens sont présents ouverts, réceptifs; je me sens redevenir le « bon sauvage », le Mohican sur son territoire de chasse, à la seule différence que mon bonheur ne se mesure pas à la quantité de gibier abattu, mais à l’émerveillement de la grande Dame Nature. Le tir est comme une conclusion, une manière de tirer une flèche, tel un « trait de lumière », puis de l’accompagner du regard jusqu’à la fin de son voyage. Je me sens en pleine possession de moi-même, osmose et énergie puissante qui me traversent le corps comme émanant de la présence des grands arbres…

La billebaude alliée au tir instinctif procure Cette sensation de plénitude. En effet, l’archer, libre dans son chemin et son choix va réveiller tout son potentiel et décocher de superbes traits. Là, je ne me trompe pas, car je ne suis pas dans l’attente d’un résultat ou d’une performance, mon mental ne va pas me court-circuiter en exigeant de moi-même le meilleur, sans attente, sans crainte d’être jugé, je m’exécute simplement pour le meilleur de ce que je suis…

La seconde est que la montagne ou le terrain sur lesquels j’évolue est comme un énorme jeu. En choisissant des buts à toutes les distances connues ou inconnues, j’exerce mon acuité visuel et développe véritablement ma gestuelle instinctive. Chaque tir est différent et nécessite une rapide adaptation morphologique (position du corps sur un terrain pentu, par exemple), une réflexion attentive sur la distance au but, la nature du terrain qui influence le vol de ma flèche, l’effet de pente, le dévers ou « l’aspiration de la flèche » lorsqu’elle traverse une combe et bien d’autres phénomènes à expérimenter que je ne peux pas hélas tout décrire.

C’est une manière complète d’apprentissage, alliant de la discipline et du ludique. D’ailleurs, lorsque nous étions enfant, n’éprouvions nous pas une joie quasi mystique à s’enfoncer dans ce bois, équipé d’un arc en noisetier, sous-tendu par une ficelle en chanvre afin de tenter de propulser cette baguette de bois tordue qui nous servait de flèche…

La troisième est que le matériel nécessaire se réduit à quelques flèches spécifiques, à une ciblerie inexistante, puis à sa pratique universelle au bord de n’importe quel bout de forêt ou de pâturage. La législation Suisse autorise la pratique du tir à l’arc sur le domaine public pour autant qu’elle ne mette pas en danger les promeneurs ou les animaux et qu’elle respecte la terre, le travail des paysans.

La billebaude exige de l’archer une parfaite autonomie, une solide expérience du tir et aussi une grande responsabilité, elle devrait de préférence s’exercer à deux personnes. A chaque nouveau pas de tir, il est essentiel de tenir compte de la trajectoire de la flèche afin qu’aucun risque ne soit pris qui puisse nuire à autrui.

Archers ! À vos carquois, n’oubliez pas votre longbow, munissez-vous de fûts bois équipés en pointes de type « blunt » et de type « judo », aussi de quelques pointes « field » et partez en vadrouille, que votre créativité vous fasse trouver de magnifiques buts et osez cette discipline du tir à l’arc non-conformiste et originale ! »

Olivier Grieb